Lorsque nous partîmes ce samedi 2 septembre, nous étions une petite dizaine
à pedaler...
Le lendemain déja je me retrouvais seul avec pour unique compagnon de voyage
: le mistral, de face bien sur !
Finies les rejouissances des jours précédents entouré de la famille et des
amis...
Le "cafard" vous prend, très vite. Les 34000 kms sont là, devant vous,
attendant, passifs.
Impressionant.
Toutes ces images, toutes ces personnes automatisées et programmées le long
des routes. Elles savent, elles, ou elles vont dormir le soir, ce qu'elles
feront demain...
Elles semblent ne rien voir d'autre que leur maison au bout de la rue avec
cette piscine dans laquelle elles vont plonger (car il fait tout de même
encore bon en ce début septembre...)
Je regarde tout. Il y a tant de choses mais rien de connu...
Quelques heures suffisent pour se rendre compte de la diversité et de la
richesse du monde qui m'entoure.
Trop, c'est trop. J'éttouffe, je me noie.
C'est la crainte, la peur même. Celle de la solitude.
25 ans pour partir et c'est pourtant si brutal!
Je pensais être libre. Je suffoque. Je veux retourner sur un rail!
Et ce mistral de face qui me force a m'écraser a m'aplatir toujours plus.
Je suis seul. j'ai envie de crier. J'ai envie de pleurer. je me sens si
ridicule dans cette immensité qu'est le monde.
67 kgs et je veux braver la planète???
"Rentre chez toi..." siffle le mistral, imperturbable, infatigable.
Je suis Moogli dans le livre de la jungle et Kaa essaie de m'endormir...
Comme s'il ne fallait pas que je continue, comme si je me dirigais vers un
lieu interdit qu'il ne faudrait pas voir...
Mais j'avance!
Arles, la Camargue, Montpellier...
Le vent, lui, m'en veut. Après le mistral c'est la tramontane, toujours de
face. J'avance toujours.
Petit a petit le monde me parait moins hostile.
A l'abri du vent, qui faiblit, j'entends les oiseaux. Ils semblent si
heureux, si insouciant...
Et puis les gens aussi chantent. Ah, il y en a même un qui rit la-bas!
Mais moi, sur mon velo, je n'ai pas envie de rire.
Seul, on ne rigole pas...
Les régions que je traverse me sont toutes inconnues. je découvre.
C'est beau.
Ma vie s'organise. Il faut toujours que l'on ordonne!
Je me fiche du lieu où je vais dormir le soir car je sais que de toute facon
il faudra bien que je dorme...
On est obligé de dormir, on est obligé de manger.
On s'oblige donc a vivre?
Non, on a envie de vivre! On a soif de vivre!
Je veux vivre!
Pourquoi?
Pour avoir le plaisir de rentrer chez moi tous les soirs après avoir passé
une bonne journée avec les collègues de travail?
J'aime bien rentrer chez moi parce que c'est beau chez moi. Et puis ma femme
est belle et puis mes enfants ils sont beaux aussi et puis ils sont les
premiers de la classe et puis à 19h59 je regarde les informations et puis
aussi le film après et .....
Dieu dans tout ca ????
Oui Dieu.
Ici au maroc on croit en Dieu mais on vit aussi avec lui.
C'est facile de vivre lorsque l'on a un beau chez soi, une belle femme,etc
mais quand on a rien, ou presque, que l'on ne sait pas ce que l'on va manger
le soir ou plutôt si l'on va manger...
Ici on dit : Inch Allah !
L'avez-vous déjà experimente ce Inch Allah?
Vivez-vous en Dieu?
Sur quoi repose votre vie?
Je l'ai bien vu tout au long de la route et surtout sur la côte Espagnol :
l'homme construit, des milliers d'immeubles pour touristes tous plus grands,
plus luxueux les uns que les autres.
A cote, d'autres logements pourrissent. Les herbes poussent sur les murs.
Vous même vous vous échinez à repeindre vos volets tous les 5, 10 ans!
Ca ne vous fatigue donc pas de travailler à ce point pour des choses
irremediablement pérrissables ?
Quel courage !
Mais quelle perte de temps aussi...
Vous repeignez vos volets pour que l'on dise du bien de votre maison mais
honnetement Dieu il s'en fiche de vos volets!
C'est de celà que je voulais vous entretenir.
Je suis parti seul sur ma bicyclette, et surtout sans volet à repeindre.
C'est mon coeur que j'aimerai repeindre, tous les jours.
Pour être fier de pouvoir l'ouvrir. A Dieu d'abord mais à vous aussi.
Car en fait je ne suis pas seul.
Ce monde que j'ai trouvé si etouffant au depart il est si beau.
Il est peint par Dieu. C'est sûr.
Et nous faisons parti de ce monde, beau.
Dieu est là si nous le cherchons.
Il est surement plus solide en conseil que l'horoscope du matin et sa
peinture surement plus eternelle que l'AVI que nous avons pour nos volets...
Je ne veux pas faire de propagande.
Je veux juste, comme promis, vous faire partager ce que je vis.
Je pourrais vous raconter qu'il y a du soleil et qu'il fait toujours au
moins 25°C...Mais pour combien de temps encore?
Je prefere vous remercier pour votre soutien quotidien et vous dire qu' avec
Dieu et avec vous il fait 50°C dans mon coeur.
J'ai envie de vivre.
Pas pour mes volets en bois.
Pour Dieu.
Merci.
A tres bientôt.
Priez pour moi.
Je prie pour vous.
Nous aussi nous sommes perrissables alors n'oublions pas de nous
repeindre...
Olivier PEIX.
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